Union d’Arras
6 janvier 1579
Source : Union d’Arras, conclu à Arras le 6 janvier 1579 entre les États d’Artois, les États d’Hainault et la ville de Douai.
Explication : L’Artois, l’Hainaut et Douai s’inquiétaient sur la politique agressive des extremistes calvinistes dans les villes de Flandre. La violence de ceux-ci contre les prêtres catholiques et contre les églises et les couvents, n’étaient pas en accord avec la Pacification de Gand. Les provinces du Sud se rapprochaient afin de défendre la foi catholique et la loyauté au roi. L’Union d’Arras fut suivi par le Traité d’Arras, le 17 mai, dans lequel les provinces de cet Union se reconciliaient avec Philippe II.
Cité d’après : Louis-Prosper Gachard, Actes des États-Généraux 1576-1580 (2 dln., Bruxelles, 1861-1866) II, 454-460.
Nous, prélatz et personnes du clergé, nobles et députez des villes du pays et comté d’Arthois, représentans les trois membres et estatz d’iceluy;
Députez des estatz du pays et comté de Haynnault;
Députez de la ville de Douay,
A tous ceulx qui ces présentes voiront ou oiront, salut.
Comme, doiz en l’an mil Vc LXXVI, les estatz généraulx de tous les pays de par deçà se sont joinctz et assemblez en la ville de Bruxelles, pour donner ordre et résister aux Espaignolz mutinez venus de Zirixée à teste baissée, pour s’emparer et saccager ladicte ville de Bruxelles, ayans de force prins la ville d’Alost, sans que fût esté possible les contenter ny renger à la raison, pour commandement que leur fût esté faict par messeigneurs du conseil d’Estat, lors commis par Sa Majesté au gouvernement général desdicts pays, pour la mort de feu de bonne mémoire don Loys de Requesens, précédent gouverneur, à cause de quoy avoyent esté par eux déclairez et proclamez, ensemble leurs fauteurs et adhérens, pour rebelles à Sa Majesté, ennemis et perturbateurs du repos publicq, et que pour telz on les pourroit traicter:
Suivant quoy, lesdicts estatz généraulx avoient absolutement résolu les faire sortir et retirer, et en repurger le pays pour le remettre en repos et liberté, et prévenir au joug de misérable servitude auquel ils taschoient, comme se descouvroit de jour à aultre, le mettre et précipiter, ayant de prime face advisé et de faict traicté une pacification, en la ville de Gand, avec le prince d’Orenge et les provinces de Hollande, Zeelande et associez, pour lors en guerre contre les aultres provinces, par laquelle avoit esté expressément stipulé, promis et accordé, de part et d’aultre, que èsdites provinces de par deçà, au dehors desdictes provinces de Hollande et Zeelande, ne seroit loisible et permis ausdicts de Hollande et Zeelande ny aultre, de quel pays, qualité ou condition qu’il fût, d’attenter quelque chose contre le repos et paix publicque, signamment contre la religion catholique romaine et l’exercice d’icelle, ny à cause de ce injurier ou irriter aucun de faict, de parolles, ny les scandaliser par actes semblables, à peine d’estre punis comme perturbateurs publicques, à l’exemple d’aultres.
Et depuis ce, estans ainsi les dix-sept provinces unies, icelles avoient passé une union généralle entre elles, promettans et jurans les unes aux aultres de tenir et entretenir inviolable et à jamais ladicte union et association pour la conservation de nostre saincte foy et religion catholique romaine, deue obéissance de Sa Majesté et accomplissement de ladicte pacification de Gand, joinctement pour l’expulsion des Espaignolz et leurs adhérens, ensemble pour le maintènement de tous priviléges et exposer corps et biens et la vie, si mestier fût, et au surplus de secourir et assister tous ceulx de ladicte union qui se trouveroient assailliz, aggressez, emprisonnez, rançonnez, molestez ou inquiétez en personne, corps, biens, honneur, estat ou aultrement, voires procurer la délivrance des emprisonnez, à peine d’estre dégradez de noblesse, de nom, d’armes et d’honneur, tenus pour parjures, desléaulx et ennemis de nostre patrie, devant Dieu et tous hommes, et encourir note d’infamie et lâcheté à jamais.
Et combien qu’en conformité desdictes pacification et union, chascun se devoit contenir en ses bornes, sans rien attenter, de faict ny de parolles, au préjudice d’icelles, signamment de nostre saincte foy, religion catholique, apostolique, romaine et deue obéissance de Sa Majesté, sy estoit-il advenu que plusieurs séditieux, hérétiques et perturbateurs de repos publique, contre leur foy, honneur, obligation et serment, s’estoient, au temps que plus on se debvoit esvertuer et employer de secouer le fardeau de l’ennemy commun, tellement oubliez, desbordez et desbandez en la principale province et quasi par toutes les aultres, peu s’en fault, s’attachant à nostredicte saincte foy et religion par telle furie qu’ilz avoient déchassé tous gens d’Église et de religion, massacré grand nombre d’iceulx, violé filles sacrées, prophané et renversé églises et autelz, saccagé et brisé images à tous costez, foullé aux piedz les sainctz sacremens, mesmement, sans aucune horreur ou crainte de la vengeance divine, celuy du précieux corps et sang de Nostre-Seigneur, ruynant et démolissant jusques aux fondemens abbayes, églises, cloistres et monastères, usurpant et robant les biens d’icelles bonnes maisons dédiez et vouez au sainct service divin; déclairant de bouche, et démonstrant par telz et aultres excès et outrages par trop horribles et insupportables, qu’ilz estoient et sont délibérez d’à jamais estaindre et atterrer nostredicte saincte foy et religion, mesmement toute noblesse et légittime ordre d’Estat et de police; destituant ceulx qui légitimement y estoient establis et commis selon les droictz, loix et anciens usages, et en leur lieu y establissant gens de leur qualité et condition, hérétiques et séditieux; aiant aussi appréhendé les principaux seigneurs, évesques, prélats, nobles, gentilzhommes, dames et conseilliers, et les aucuns d’iceux exécutez, pendus, estranglez et décapitez, sans aucun ordre ou forme de justice; et finablement s’efforchant d’exterminer tous gens de bien, d’honneur et de vertu, s’estans à ces fins mis en campaigne à main armée, usurpant villes, chasteaux et forteresses, y establissant garnison de leur part, sans aucune licence et ordonnance de l’auctorité supérieure, plantans ainsi partout leurs perverses et faulses sectes et hérésies; abolissant et mettant à néant tout exercice de religion et piété, poussez d’une telle rage et furie qu’ilz estoient jà parvenuz sur les mètes et provinces de leurs voisins, où ils avoient exercé et exécuté toutes espèces de tyrannie et semblables cruautez, délibérez de faire le mesme partout, ne fût que, par une vraye providence divine, monseigneur le baron de Montigny avec ses troupes, plusieurs seigneurs, gentilzhommes et aultres bons personnages, zélateurs de la gloire, honneur et service de Dieu, s’y fussent uniement opposez.
Tous lesquels excès, oultrages et débordemens ont esté passez et coulez par connivence et impuniment, nonobstant plusieurs et grand nombre de lettres, requestes, plaintes et doléances qu’on en avoit faict et représenté, tant à Son Altèze qu’aux estatz généraulx et conseil d’Estat aiant emprins le gouvernement des pays: démonstrant par les aucuns d’avoir grand part et intelligence à telles factions et menées, non-seulement le coulant comme par nonchallance, mais les excusant, voires déclairans par les aucuns qu’ils vouloient embrasser et défendre leur querelle, comme bonne et juste, et par aultres qu’ilz ne se tiennent obligez à ladicte pacification de Gand faicte par la nécessité du temps, mais, au contraire, qu’ils sont tenus d’avancer, promouvoir et favoriser leur nouvelle religion (si ainsi doibt estre appellée); ayant, qui plus est, soubz umbre de remédier au mal, attenté et tiré de l’authorité de ceulx qui ainsi sont admis au gouvernement général des pays divers édictsz et mandemens tendans à l’abolissement de la religion catholique, et pour establir et admettre partout l’exercice desdictes fausses doctrines et hérésies, et, entre aultres, celuy qu’ilz appellent de religionsvrede; voulant persuader que c’estoit le seul et unicque remède pour pourveoir à tant de maulx: chose, à vraye dire, tant absurde que, tout au contraire, c’estoit et est la seule voie et unicque moien pour accomplir la mesure de leurs iniquitez, bien considéré la nature et condition desdicts sectaires, qui d’un esprit irrequiet jamais ne seront contents, s’ilz n’ont exterminé les bons et mis le tout en confusion, comme ils ont bien démonstré en ce que, doiz le commencement, cherchant les occasions, et soubz umbre qu’ilz se doubtoient des catholicques, jà n’en eussent-ils esté picquez ou touchez tant peu que ce soit, mais, au contraire, leur averoient beaucoup inféré d’injures et outrages, avoient demandé et obtenu une ampliation ou déclaration de la susdicte union par laquelle l’on avoit de nouveau et réciproquement prins les uns et les aultres en protection. Dont encores ne sont asseurez, comme ils disent, imposans que, prestement l’évinction de l’ennemy, les catholiques leur couperont la gorge, qui au contraire se doibvent tenir pour asseurez du mesme inconvénient, puisqu’ils voient qu’on a composé une armée et remly tous les pays de gens de guerre estrangers de pareille condition: estant chose par trop clère et manifeste que jamais ne cesseront qu’ilz ne parviennent à leur but; démonstrans en oultre estre du tout irréconciliables, et que par tous moiens ils empescheront la paix, soit par demander des conditions trop iniques ou aultrement, nonobstant qu’on voit à l’oeil de jour à aultre les affaires aller à décadence et ruine, dont ne se peult attendre qu’entière et générale désolation, si Dieu, par miséricorde et bonté infinie, ne nous impartit les bénéfices de sa très-saincte grâce. Soubz la confidence et protection de laquelle, et pour nous acquitter vers Dieu et les hommes de nostre devoir si avant que humainement est possible, ne voulans en riens conniver ou participer au mal d’aultruy ny encourir la note de perfidie et aultres indictes par ladicte union, avons trouvé convenir d’en faire protestation et démonstration publicque, et de nouveau, entre nous et tous aultres qui se vouldront descharger de leur serment et obligation, rafreschir, renouveller et plus estroictement confirmer ladicte union.
A ceste cause, en vertu de nos povoirs et commissions, respectivement et aultrement, avons promis et juré, promettons et jurons les uns aux aultres, en foy de chrestiens et gens de bien, pour nous et noz successeurs à jamais, suyvant le contenu exprès de ladicte union, et à l’effect et accomplissement d’icelle, de persévérer et maintenir nostredicte saincte foy catholique, apostolique, romaine, deue obéissance de Sa Majesté et pacification de Gand, aussy procurer le bien, salut, paix et repos de nostre patrie tant désolée, conservant nos priviléges, droicts, franchises, coustumes et usances anciennes; de résister et opposer, par toutes voyes et manières licites, deues et raisonnables, à tous ceulx qui vouldroient attenter au contraire, et à ces fins ayder, conforter et assister l’un l’aultre, et de commune main emploier noz vies, corps, biens et tous aultres moyens, nous submettans à toutes résolutions que par commun advis seront faictes pour le bien et advancement de ceste cause, soit pour levée de deniers, de gens de guerre ou aultrement; de tenir toute bonne, secrète et discrète correspondence les uns aux aultres, sans pouvoir découvrir ou révéler chose qui puisse nuire ou grever à la bonne et saincte intention de ladicte union. Sommans, prians et exhortans tous aultres estatz, provinces, villes et communautez, gouverneurs, colonnels, capitaines, gens de guerre et généralement tous gens de bien, de s’acquiter pareillement de leur debvoir et obligation, et à mesme fin entrer et se joindre avec nous, faisans, par eux ou députez de leur part suffisamment authorisez, pareille déclaration et protestation de maintenir et conserver ladicte pacification et union généralle depuis ensuivie en tous leurs poinctz et articles, sans aulcunement s’en desjoindre, retirer ou séparer pour occasion ou par quelle voie que ce soit, ouvertement, secrètement, directement ne indirectement, comme font tous ceulx et celles qui avancent, inventent, poursuivent, admettent ou connivent choses au contraire: ce que nous ny eulx povons ny debvons faire, le tout à peine d’encourir l’ire de Dieu et d’estre dégradez de noblesse, de vertu, de nom, d’armes et d’honneur, et d’estre tenuz pour parjures, infidèles, desloiaux et ennemis de Dieu, de nostre saincte foy et religion et de nostre patrie, et au surplus d’encourir la notte d’infamie et làcheté à jamais. Et à l’effect et accomplissement des choses avantdictes et ce qu’en dépend, en avons submis et obligé, submettons et obligeons l’un envers l’autre noz corps et biens et ceulx de noz hoirs, successeurs et remanans, meubles et immeubles, présens et advenir par tout, renonçans généralement et espécialement à toutes exceptions de droict, de loy et de coustume, et toutes aultres qui au contraire nous pourroient servir et valoir: le tout de bonne foy et sans aucun malengin.
Pour approbation de toutes lesquelles choses, nous avons le présent acte faict signer et attester respectivement de noz greffiers.
Ce fut faict, résolu et arresté en plaine assemblée desdicts estatz, en la ville d’Arras, l’an de grâce Nostre-Seigneur mil Vc septante-noeuf, le VIme de janvier.
Par ordonnance de nosdicts maistres, ondertekend: P. Marchant en L. Carlier
Et pour attestation plus grande de ladicte conclusion et résolution, mesme de la signature desdicts greffiers, nous, présens et assistans à icelle et que l’avons solemnellement et particulièrement juré et approuvé, avons cy-dessoubz mis et apposé noz noms et seingz manuelz.