Instruction particulière pour l’archiduc Albert


2 août 1595

Archives:

Bruxelles, Archives Générales du Royaume, Aud. nr. 1223, f. 62-65v.

Présenté par:

René Vermeir, Université Gand

Texte:

1. Instruction particuliere a vous notre tres cher et tres amé bon frere, nepveu et cousin le cardinal archiduc Albert, touchant la regence et gouvernement general de noz pas et subiectz de pardela, auquel vous avons institué et commis, et afin tant mieulx les conduyre, regir et gouverner avec bon advis, assistence et service de noz consaulx d’estat, privé et des finances respectivement, selon l’exigence et qualité des affaires.

2. Premierement, selon l’entiere confidence que de vous avons, vous remettons et delaissons pleine, libre et absolute puissance en nosdits pas, et aucthorité sur noz consaulx d’estat, privé et des finances, et aultres noz justiciers, officiers et subiectz.

3. Et comme toutes prosperitez et bonne administration des choses publicques procedent de la clemence de dieu, et que partant convient avant toutes choses tenir soingneulx regard et s’employer pour eviter tout ce que pourroit donner offense a sa divine majesté et ce que le pourroit plus incliner a impartir sa grace a nous et a noz subiectz, pour tant mieulx vivre en paix et concorde, et obtenir de luy augmentation de tous biens procedans de sa bonte, et que principallement nous ayons tousiours eu a coeur le fait de notre saincte religion catholicque romaine, ainsi que scavons vous l’avez aussi en singuliere recommandation, nous vous enchargeons bien serieusement et sur toutes choses, que par les gouverneurs provinciaulx de nosdits pays vous faites estroictement observer ce que par leur instructions quilz ont de nous et celles que leur ferons capres bailler en cest endroict, leur sera enjoinct, et tenez regard que non seullement lesdits gouverneurs, mais aussi ceulx de noz consaulx, tant souverains que provinciaulx, et aultres noz justiciers, officiers et gens de loy et villes, procedent contre les transgresseurs des placcartz et edictz sur ce ordonnez par feu de tres hault memoire l’impereur mon seigneur et pere, a qui dieu face misericorde, et depuis par nous renouvellez, sans infraction, alteration ou moderation, aussi comme les officiers ecclesiasticques sont ceulx qui principallement doibvent avoir le soing des affaires de la religion, vous tiendrez la main a ce que de leur costé ilz se y acquictent, et que d’aultre part par ceulx de noz finances, receveurs des exploictz et aultres ou ilz seront assignez, ilz soient tousiours dressez de leur sallaires et vacations, a fin que par faulte ou dilation de payement les affaires de leur charges ne soyent differees ou reculees.

4. Voulons et entendons et vous enchargeons tres expressement que vous faites tres estroictement tenir, observer et garder indifferamment les ordonnances faites et a faire par nous en tous les consaulx de nosdits pays, et signamment es dessusdits d’estat, privé et des finances, et que ceulx de l’ung desdits consaulx ne se advancent d’aller aux aultres, ny s’entremectent es aultres, ny es affaires qui ne sont de leur charges, ne fut que a tres grande cause et importante raison, vous sembla expedient et besoing pour notre service (en aulcun cas) se debvoir aultrement faire, et pour la necessité dudit cas et affaire tant seullement.

5. Aurez aussi bon regard que tous ceulx desdits consaulx chacun endroict soy, et tous noz aultres officiers de quelque qualité quilz soyent, entendent et s’acquictent es debvoirs de leur charges avecq modestie, sans partialité, contention, demonstration quelconcque de regret les ungz avec les aultres, et avec deue reverence et obeyssance envers vous. Et si personne quelconcque desdits consaulx ou aultres noz officiers en fait aultrement, ne le comporterez comme que ce soit, ains y remedierez comme verrez estre besoing, le tout neantmoins par forme de justice, et nous l’advertirez pour en faire et pourveoir selon ce.

6. Que tous ceulx desdits consaulx respectivement gardent le secret des affaires que se traictent es consaulx dont ilz sont, signamment ceulx du conseil d’estat, pour la plus grande importance des matieres d’icelluy, selon que l’ordonnance sur ce dressée le contient, et se abstiennent de parler desdites affaires ou choses concernans ledit estat hors dudit conseil, et avec aultres que ceulx qui en seront, et ce a part, et ou vous y trouverez faulte nous en advertirez de ce que vous semblera y estre a faire par nous, suspendant si voyez que besoing soit cependant celluy que trouverez en telle faulte de son office et jusques en avoir sur ce de nous aultre ordonnance.

7. En oultre ne souffrez que ou esdits consaulx sera question d’affaires que puissent mediatement ou immediatement toucher aulcuns ministres d’iceulx consaulx, leur parens ou alliez, et y ait occasion de suspition, que telz se treuvent a les ouyr et moins a les consulter, et ainsi le ferez indifferamment observer a l’endroict de tous, comme la cause et raison y est.

8. Faites aussi entierement et tres estroictement garder que nul desdits trois consaulx, ny d’aultres, puissent tenir ny prendre gaiges ny pensions directement ou indirectement d’aultre que de nous, comme quil soit.

9. Aussi est tres necessaire qu’ayez bon regard que les opinions en tous lesdits consaulx indifferammant, et signamment en celluy d’estat, ne passent avec affection desmesuree, partialitez, practicques, brigues ou intelligences, pour les resouldre et conclure a pluralité d’opinions, et quand vous verrez ou entendrez apparence ou occasion de ce, le remediez et ferez ce que verrez estre convenable pour la plus saine et meilleure resolution et conclusion.

10. Davantaige sera necessaire que faites observer les heures que seront prinses et advisees par vous pour tenir ledit conseil d’estat, afin de non perdre temps et que selon l’importance et necessité des affaires n’en advienne quelquefoiz inconvenient.

11. Semblablement ferez ensuyvir par ceulx de notredit conseil privé l’ordonnance dressee quant au temps quilz ont a besoingner, et quilz l’employent deuement es choses et affaires de leur charge.

12. Que l’ordonnance de tenir l’audience et seeller avec contrerolle se observe entre aultres precisement, et que toutes despesches qu’aurez a signer provenans de votredite charge et regence soient veues, paraphees et marquees avant qu’elles vous soyent presentees, ascavoir celles procedans desdits consaulx d’estat et privé par le chief ou celluy qui presidera esdits consaulx en son lieu et le premier en ordre d’iceulx qui se trouvera estre en court.

13. Vous aurez aussi bon regard d’entendre particulierement dudit conseil de noz finances de temps a aultre l’estat d’icelles, et siavant que votre commodité le pourra souffrir et y aura a faire, ferez venir ceulx desdites finances devers vous deux foiz la sepmaine, pour estre informé de l’estat d’icelles et toutes matieres et affaires y occurans, pour selon que verrez estre besoing y bailler avec leur advis l’ordre, moyen et provision necessaire, mesmes a fin que selon ce soyez plus advisé es choses d’estat et conduicte de noz aultres affaires.

14. Aussi ferez entierement observer et entretenir l’estat que parcydevant nous avons baillé et delaissé a ceulx de nosdites finances, ne fut (ce que dieu ne veuille) que dangier de guerre survint a nosdits pays ou aultre tel inconvenient, et ung affaire de tel emport, que vous sembla a meur et bon advis que lon y deust faire quelque changement, ou que la necessité fut tant instante que ne nous en pouriez consulter, auquel cas vous remectons de faire changer ou muer selon que verrez l’exigence de la necessité.

15. Nous entendons que gardez riere vous ou faites garder par l’ung des chefz de noz finances le signet de nosdites finances, pour en user comme il sera besoing et convenable, et afin que tant mieulx entendez comme les affaires de nosdites finances se passent et despescheront.

16. Et pour meilleure direction et administration de la justice, et afin que les ministres d’icelle ayent moyen de s’entretenir, ordonnerez ausdits de noz finances que des biens et revenuz de noz domaines ilz facent payer avant tous noz consaulx, colleges et officiers de justice et aultres de leur gaiges et traictemens a chacun terme d’escheance, et ce faict apres eulx les rentiers le plus esgallement que faire se pourra.

17. Voulons et entendons que les gouverneurs particuliers des pays vous obeyssent et observent les instructions quilz ont eu et leur ferons bailler, et qu’en ce prendez soingneulx regard, et si y trouvez notable faulte nous en advertissez pour y pourveoir comme trouverons convenir.

18. Mais si la chose ne permettoit si grand dilay sans evident peril, en ce cas nous voulons que y mectez telle provision que verrez convenir pour notre service, dont nous advertirez a diligence, cependant, et tant qu’aurons aultrement determiné, voulons que soyez entierement obey et votre provision accomplie et effectuée.

19. Quand surviendront matieres que l’on desire estre tenues secretes, vous en confererez avec ceulx tant seullement que verrez estre besoing et y pourront bailler bon advis selon la qualité des matieres et qu’elles requerront provision et execution, lors les communicquerez au conseil avec admonition (ou si besoing fait selon l’importance d’icelles matieres, adjuration) de les tenir secretes, ayant tousiours regard que les matieres grandes, mesmes celles esquelles sera requise l’ayde et assistence des seigneurs et bons personnaiges pour ladite provision et execution, se traictent et deliberent avec eulx et par leur advis, et quilz soyent selon l’exigence pour ce expressement mandez.

20. Voulons aussy qu’ayez regard et soing que ceulx de nosdites finances, des privé et grand consaulx, noz procureurs, advocatz et aultres officiers, rendent leur debvoir et acquict de garder, poursuyr et deffendre noz haulteurs, preeminences et droictures, et que quand pour ce ilz recourreront pardevers vous, leur y baillez toute faveur et assistence, sans les permettre a ceste occasion estre travaillez ny molestez de personne quelconcque, de quelque qualité quil soit, ayant aussi bon regard que soubz couleur de leur estatz et offices ilz ne facent tort ou foulle a personne.

21. Davantaige entendons quil y ait ordinairement deux des commis chiefz de noz finances residens devers vous, afin que les affaires de nosdites finances soyent mieulx et a plus grande auctorité dressez et conduictz a votre satisfaction et relievement.

22. Pour ce qu’entendons aussi la grande depopulation de la venoison et bestes sauvaiges que puis quelque temps ena et mesmes durant tous ces troubles s’est faite en noz forestz de pardela, vous regarderez d’adviser tous moyens convenables pour repeupler et remettre en nature lesdites forestz, soit en mandant a ceulx qui ont commission ou aultrement, charge et congié de chasser de nous ou pretendent d’y pouvoir chasser, de s’en abstenir pour ung temps, ou par aultres voyes convenables que verrez duyre a ce propos.

23. Aurez en bonne recommandation les universitez de Lovain, Dole et Douay, en vous recommandant particulierement le soing dicelles, pour le bien qui en depend, mesmes estant celle de Douay encores nouvelle et requerant bonne assistence.

24. Et comme nous avons pour quelque temps et durant ces troubles erigé en chacune desdites universitez de Louvain et Douay ung seminaire dont l’on aperoit ja l’utilité et fruict, tant pour la bonne institution de la jeunesse et confirmation en notre saincte religion catholicque romaine, que aultrement, nous vous enchargeons bien particulierement que portez soing de faire entretenir lesdits seminaires, a ce que ung oeuvre tant pieulx ne soit interrompu ny les colleges dissoluz a faulte de moyen, les assistant en tant que sera possible pour les retenir ensemble en la maniere que par diverses foiz avons cydevant fait entendre, jusques a tant que l’on advise quelzques aultres moyens practicables pour entretenir iceulx seminaires sans noz fraiz, ayans esté jusques ores a notre charge.

25. Finablement vous remettons de es choses dessusdites leur circonstances et dependences et aultres noz affaires quelconcques de noz pays de pardela y faire tout ce que verrez estre besoing pour le bien, conduite et gouvernement de nosdits pays et subiectz, et user selon la forme de votre pouvoir et regence en tous lesdites affaires, selon que scavons votre entiere affection envers nous, et l’entiere confidence qu’avons de vous, votre prudence et discretion, vous remettant et enchargeant le tout comme a aultre nous mesmes.

26. Ainsi fait et donné soubz notre nom en Sainct Laurent le Royal en Castille, le second jour du mois d’aoust l’an XVc nonante cincq, Ainsi paraphé N.D. vt, soubscript Philippe, et plus bas Par expresse ordonnance de Sa Majesté, et signé A. de la Loo.

27. Accordé avecq l’original reposant es mains du soubsigné secretaire ordinaire du Roy en son conseil privé, E. de Berty.