Instruction à M. de Buzanval, allant en Hollande, en Août 1598


Béthune, Mss. no. 8963

Le Roy, advisé de renvoyer en Hollande le Sieur de Busanval, Gentilhomme ordinaire de sa Chambre, et son Ambassadeur près les Sieurs les Estatz des Provinces unies des Pays-Bas, a voullu luy estre baillé le présent Mémoire, suivant lequel S.M. entend qu’il se conduise en l’exécution des commandements qu’il luy a faict.

Premierement: Sa Maiesté veut, qu’il visite Monsieur le Prince Maurice, et le Sieur Berneueldt, avec le Sieur d’Arsens, et autres du pays, qu’il jugera à propos, devant qu’il se présente en l’Assemblée desdicts Sieurs les Estats, pour conférer avec eux de la charge que Sa Maiesté luy a donnée, s’instruire des volontez, forces, et moyens de continuer la guerre qu’ont lesdicts Sieurs les Estats, et prendre leur advis sur ce qu’il aura à faire, pour rendre l’exécution de sa Commission aussy utile que S.M. desire qu’elle soit.

Particulierement, il dira audict Sieur Prince, que Sa Maiesté a plus grand desir que iamais de luy rendre preuve de son amytié, en chose qui luy puisse apporter honneur et contentement; l’asseurant, qu’elle n’en laissera perdre l’occasion, quand elle se présentera; et comme, par la paix, elle a maintenant recouvert les villes que les Espaignolz, et leurs adhérants, occupoient en ce Royaume, comme sa puissance est grandement accreue, aussy sa volonté de reconnnoistre envers luy les plaisirs qu’elle a receus desdits Sieurs les Estats, en la nécessité de ses affaires, luy est redoublée, et ira tousiours, en augmentant, de plus en plus, l’affection particuliere que Sa Maiesté luy porte, et l’intérest qu’elle reconnoist avoir à son advancement et conservation.

Le priant, au nom de Sa Maiesté, de l’aimer touiours, et faire que lesdits Estats continuent à se confier en elle, comme à celuy, de tous leurs voisins, qui affectionne le plus leur bien, pour l’advancement duquel, Sadicte Maiesté exposera touiours très volontiers, tous les moiens que Dieu luy a donnés, comme ilz ont faict pour elle, aux occasions qui se sont présentées, depuis son regne, dont Sa Maiesté desire que ledict Sieur Prince croye qu’elle ne sera jamais mesconnoissante.

Il luy dira: que Sadicte Maiesté est asseurée, que Monsieur l’Admiral de Nasseau et le Sieur de Berneueldt, n’ont obmis à luy représenter toutes les raisons et nécessitez qui l’ont menée et comme forcée d’accepter la paix, aux conditions qu’elle a faictes, avec le Roy d’Espagne et le Duc de Savoie; lesquelles il estime qu’il aura jugées si fortes, que, au lieu de blasmer le conseil que Sadicte Maiesté a suivy, il l’aura loué et deffendu, comme chose qui, estant utile à Sadicte Maiesté et à la France, ne peut qu’elle ne soit aussy advantageuse et profitable ausdicts Sieurs les Estats, et à tous ceux qui ont occasion de redoubter la puissance et le voisinage de la Nation Espagnolle.

Car il est certain, que la France estoit si affoiblie et lassée de la guerre, qu’elle estoit à la veille de succomber du tout soubz le faix d’icelle; de sorte que toute l’assistance que lesdicts Sieurs les Estats eussent donné à Sa Maiesté, pour la continuer, eust plustost servy d’accroistre sa lengueur, à l’advantage de l’ennemy commun, qu’à la resteurer.

Ceux-là seuls aussy, ont contredict ladite paix, et l’ont improuuée, dans et dehors le Royaume, qui ont crainct le rétablissement des affaires de Sa Maiesté, son authorité et sa puissance; connoissant que le commencement dud. rétablissement, devoit estre la fin de toutes sortes de factions, qui troublent son Estat, en du mespris, que aucuns de ses voisins faisoient de son amitié et alliance.

Par ladicte paix, Sadicte Maiesté a recouvert ses villes, sans bource deslier, ny hazarder sa vie, ny celle de ses serviteurs et subiects; elle a contanté le général de son Royaume, et, en ce faisant, asseuré la bienueillance de son peuple. Le désespoir des charges insupportables de la guerre, la rendoit fort douteuse. Elle a pareillement esteint le feu des factions passées, que les cendres couvoient encore dans le Royaume, et sembloient n’attendre qu’un accident, semblable à celuy de la perte de la ville d’Amiens, pour reprendre force et vertu à son dommage. Par la paix, Sa Maiesté aura loisir de fortifier ses frontieres, de descharger son peuple, et faire bource de son abondance, ou celle qu’elle espere faire par son bon mesnage.

Davantage, comme il est certain, si Sadicte Maiesté n’eust faict ladicte paix, que ledict Roy d’Espagne n’eust ceddé à sa fille les Pays-Bas, avec le comté de Bourgogne, en faueur du mariage de l’Archiduc Albert, comme il a faict, et que cette distinction desdicts Pays d’avec la Couronne d’Espagne, faicte, autant par nécessité et foiblesse, que par conseil et raison, diminue grandement la réputation et puissance desdits Espagnols; ladicte paix sera très utile, et doibt estre aussy très agréable à tous ceux qui desirent l’affoiblissement desdicts Espagnols, et spécialement ausdicts Sieurs les Estats, pouveu qu’illes errent et perseverent constamment en leur union et societté, et, comme prudents et expérimentés qu’ils sont, ilz ne s’estonnent au bruict de leurs armes, ny des incommodités de la guerre, et de la priuation du commerce, dont on les menace; car il est certain que les effects ne respondront pas aux allarmes qu’on leur en donne; car, comme ce desmembrement d’Estat sépare les intérests, et, par conséquent, l’amitié des successeurs dudict Roy d’Espagne, les gens de guerre, ny les deniers d’Espagne, ne couleront cy-après audict Pays-Bas avec abondance, comme ils ont faict cy-devant; et d’autant moins se pourra-il faire, que la source en paroisse jà fort épuisée, comme on a remarqué, depuis deux ou trois ans.

A quoy pourra encore servir, les grandes sommes et deniers que ledict Archiduc a esté contraict de trouuer, à grands intérestz, pour payer les gens de guerre, qui s’estoient mutinés dans les villes qu’ilz ont rendues à Sa Maiesté.

Ledict Sieur de Busanval dira audict Prince: Que Sa Maiesté a esté aduertie, par ceux qu’elle a envoyez à Bruxelles, que ce desbourcement, qu’il a faict d’argent, incommode et retarde grandement ses desseins contre les Estats; de façon, qu’il sera difficille, qu’il entreprenne et exécutte contre eux, ceste année, chose d’importance.

Joinct, que sa personne en sera diuertie par l’assemblée, des Estats des provinces et villes qui le reconnoissent, qui doibt commencer en ce mois, pour résoudre l’acceptation et approbation de la cession susdicte, que le Roy d’Espagne a faicte en faueur dudict mariage; et ne voit on personne, auprès de luy, à qui il puisse donner la charge généralle de l’armée, pour l’emploier utilement, tant il est desnué de cappitaines et gens de guerre.

Dauantage, il faut qu’il se rende à Milan, dans le mois de Septembre, pour passer en Espagne, avec la Princesse de Grats, qui va espouser ce Prince; car ledict Roy, et sa fille, veullent, qu’il face ce voyage, pour, à l’exemple du duc de Savoie, aller prendre sa femme sur les lieux, et la conduire et amener par deça: chose, qui incommodera et retardera grandement ses affaires, et faict ja murmurer les villes, et peuples, qui ont obéy à ses commandements jusques à présent.

Et, si lesdicts Sieurs les Estats pouvoient, en ce temps-là, se jetter aux champs, et faire quelques effects heureux contre ledict Archiduc, cela asseureroit et affermiroit du tout leurs peuples à la guerre; et au contraire estonneroient et altéreroient tellement les autres, qu’il y a apparence de croire, qu’il en naistroit des mouvements et changements d’importance; car, il n’y a chose qui altere plus les coeurs des peuples, que, quand ilz se voyent deceuz d’un advantage dont ilz ont faict estat. Or, il est certain, que ceux-cy ont esté persuadés à consentir la séparation desdicts pays d’avec la courronne d’Espaigne, et à approuver la donnation que ledict Roy en a faicte à sa fille, pour l’espérance, voire asseurance, que l’on leur a donnée, qu’elle seroit cause de pacifier le Pays, rauir par douceur, ou assubiectir par force, lesdists Estats, par le moien de la paix de France; de sorte que, s’ilz voient et esprouuent le contraire, indubitablement ilz blasmeront ce desmembrement, et entreront en deffiance de la protection dudict Archiduc, comme Sadicte Maiesté ne doubte point que ledict Prince ne juge mieux que nul autre.

Sur ce propos, ledict Sieur de Buzanval n’oubliera de confirmer audict Prince le fondement qu’il doibt faire de l’amitié de Sa Maiesté et de son assistance, pour l’accroissement et establissement de sa fortune, et pour luy faire recueillir les fruicts qu’il a semés et cultiués, au péril de sa vie, et par ses longs travaux. En quoy, il estandra, autant qu’il jugera estre bon de faire, pour tousiours esmouvoir et entretenir le courage de l’affection dudict Prince envers Sadicte Maiesté.

Mais aussy, il luy remonstrera, comme de luy-mesme, qu’il doibt auoir soing d’assister Sa Maiesté et la France, en la poursuitte d’un tel desseing, pour en faciliter l’exécuttion; non que Sadicte Maiesté ayt besoing d’esguillon, pour l’animer en ce faict, autre que celuy qu’elle a, comme Prince généreux et jaloux du bien de son Estat et de sa réputation; mais afin d’y engager plus seurement le général du Royaume, comme il aduiendra, quand, outre les intérêts et advantages communs et généraux, on en proposera à Sa Maiesté qui seront honorables et utiles.

Dont, toutesfois, ledict Sieur de Busanval luy dira, qu’il se garde bien de parler à autre qu’à luy, ny de luy en faire aucune ouverture, que celle qu’il proposera luy-mesme et sera d’aduis en estre faicte, en tel temps et lieu qu’il jugera estre à propos. Après cela, il luy dira, comme Sadicte Maiesté l’a chargé des lettres nécessaires, pour faire présentement fournir, auxdicts Sieurs les Estats, quatre-vingts mil escus, lesquelz Sadicte Maiesté fera suiure encor de vingt mil autres, dans ceste année, pour faire jusques à cent mil, qu’elle a assemblés avec grande peine, à cause le la pauureté de son Estat; le priant, faire que lesdicts Sieurs les Estats se contantent, pour le présent, de cette partie, en attendant qu’elle puisse faire mieux, suivant ce qu’elle a promis audict Amiral de Nassau et au Sieur de Berneueldt; à quoy, il les asseurera, que Sadicte Maiesté a tres bonne volonté de satisfaire, et, en ce faisant, leur faire toucher, l’année prochaine, deux autres cent mil escus, et trois cents autres, les années suiuantes, si tant la guerre dure contre eux; et Sa Maiesté demeurera en paix.

Ledict Sieur de Busanval dira le semblable audict Sieur de Berneueldt; mais il aura soing, en délivrant lesdictes lettres, et, faisant toucher lesdicts deniers, de retirer tels récépissés et acquits, desdicts Sieurs les Estats, que besoing sera, pour descharger Sa Maiesté, envers ceux de pareille somme, sur et tant moings de ce qu’elle leur doibt: en quoy aussy, il prendra garde de ce conduire avec telle discrettion, que ce payement ne préjudicie, s’il est possible, aux affaires de Sa Maiesté.

Ledict Sieur de Busanval n’oubliera aussy à faire entendre audict Prince, que Sa Maiesté a esté aduertie, que la Royne d’Angleterre a esté conseillée, par aucuns qui sont près d’elle et y ont grande authorité, de faire la paix avec le Roy d’Espagne, pour elle et son Royaume, et d’y porter et faire entrer avec elle lesdicts Sieurs les Estats, pour faire valloir et estimer davantage son alliance, et faire reuiure, si elle peut, tant celle qu’elle a avec ledict Archiduc, que celle que la couronne d’Angleterre auoit anciennement avec la maison de Bourgongne, pour s’opposer à celle de France; sans autrement considérer les accidents qui en peuvent arriuer, tant est grande la jalousie que tels conseilz donnent à ladicte Royne, nonobstant les asseurances que Sadicte Maiesté luy a données de son amityé, depuis avoir faict la paix avec le Roy d’Espagne, et la bonne foi de laquelle, en vérité, elle procedde, et veut continuer et procedder envers elle, tant qu’il luy sera possible.

Et, combien que Sa Maiesté estime, que ce dessein, lequel de prime-face, paroist assez facile, sera enfin trouvé très captieux et difficile, spéciallement à cause des places que la Royne tient en Hollande, et que l’Archiduc voudra qu’elle luy rende par ladicte paix; à quoy Sa Maiesté ne veut croire que ladicte Dame condescende jamais, tant pour la réputtation, que pour la seuretté de son Estat; néantmoigns, comme il aduient souuent, qu’en cuidant ne faire qu’une chose et n’outrepasser certaines limites que nous nous sommes proposez, nous engageons tellement nostre réputtation et noz affaires à la suitte d’un project, que nous sommes contraincts de faulcer les bornes de nostre premiere conception.

Il est fort à craindre aussy, qu’ayant, ladicte Royne, donne’espérance à ces peuples de faire la paix, de laquelle ilz ne se monstrent desjà que trop desireux, et ne soit contraincte, pour y paruenir, de composer desdictes villes, moyennant le rembourcement des deniers, pour lesquels elle prétend qu’elles luy sont engagées.

Ce que Sadicte Maiesté ne faict représenter pour moi à ladicte Royne, ny pour mauvaise opinion qu’elle ayt de sa foy et sincérité; mais, afin qu’on puisse ouvrir l’oeil à tout ce qui se passera, pour ce regard.

Sa Maiesté, ayant approuué le choix et l’enuoy qu’ilz ont faict de leurs députtés devers ladicte Royne, voyant la dépesche du Sr. ….. vers elle, afin de la faire résoudre à la guerre, sinon de retirer, s’il est possible, de ses mains, lesdictes villes, en la contantant de ce qu’elle prétend qu’ilz luy doubuent; car, au pis aller, par la responce, ilz seront esclaircis de sa volonté, et pourroit, sur cela, donner meilleur ordre à leurs affaires.

Estant, Sa Maiesté, aduertie et d’aduis, si ladicte Royne les abandonnoit, qu’ilz obuient d’heure, courageusement, aux accidens qui leurs en arriueront, sans s’y laisser surprendre; car, pourueu qu’ilz conservent leurs villes, avec l’amitié de Sadicte Maiesté, ils seront invinsibles.

Mais, si, pour contanter ladicte Royne, recepuoir leurs peuples en union, ou pour esuiter pis, ou aultrement, ledict Prince reconnoissoit, que lesdicts Estats feussent contraincts de traicter auec ledict Archiduc; ledict Sr. de Busanual le priera, que ce soit par l’entremise de Sa Maiesté, et non par autre, en luy remonstrant, que ce sera l’aduantage et seuretté desdicts Estats; car, Sadicte Maiesté estant médiatrice de leur accord, demeurera comme caution de l’obseruation d’iceluy, et conserueront l’amitié et correspondance de Sa Maiesté et de la France, qui ne leur peut estre que très utile et honnorable.

Ledict Sr. de Busanual dira au Sr. de Berneueldt les mesmes choses que Sa Maiesté luy commande faire entendre audict Sr. Prince; car Sadicte Maiesté a toute fiance en luy, pour son affection au bien publicq, et sa prudence en la conduitte des affaire du pays.

Or, après auoir pris aduis et instruction de l’un et de l’autre, sur les affaires du pays, et qu’il s’en sera plainement informé d’ailleurs, il se présentera en l’assemblée desdicts Srs. les Estats, auec la lettre de créance dont il a esté chargé; suiuant laquelle il leur exposera: comme Sa Maiesté le renuoye devers eux, non tant pour leur faire entendre les raisons qui l’ont meue de traicter la paix auec le Roy d’Espagne, que pour leur renouveller l’asseurance de la bonne volonté qu’elle leur porte, et du soing qu’elle veut auoir d’eux et de leur conservation; car Sadicte Maiesté ne doubte point que Mr. l’Admiral de Nassau et le Sr. de Berneueldt, ne leur ayent fidellement représenté les causes et raisons susdictes, qui ont faict prendre à Sa Maiesté le conseil de ladicte paix, lesquelles il leur dira s’estre trouuées encore plus fortes et preignantes, depuis la conclusion d’icelle, que devant; car durant l’ardeur de la guerre Sa Maiesté ne connoissoit le dégoust général qu’auoient d’icelle tous ses peuples et subiects, ni leur foiblesse et débilité, comme l’un et l’autre ont paru depuis, tant par la publicque réjouissance que toutes sortes d’estats ont faicte d’icelle par toutes les villes et provinces du Royaume de France, que par la généralle pauureté en laquelle chascun se trouve réduict, et par les obstacles et oppositions que Sa Maiesté rencontre, encore tous les jours, au restablissement de son authorité royale et au redressement de ses affaires; par où elle reconnoist, que Dieu luy a faict une grande grace d’auoir peu faire, si à propos, ladicte paix, par le moien de laquelle, non seullement elle a recouvert toutes les villes que les Espagnols et leurs adhérants auoient usurpées en son Royaume, sans despence, ny hazarder sa personne, ny celle de ses serviteurs, ny son Estat, mais aussy remis les volontés de tous ses subiects sous l’obéissance de ses loix; et se promect, avec l’ayde de Dieu, de redresser et régler tellement ses affaires, que Sa Maiesté rendra bientost son Royaume aussi florissant à ses amis et bons voisins qu’il a jamais esté du temps des Roys ses prédécesseurs.

Chose, qu’elle ne poyvoit exécutter, si la guerre eust continué; tant la longueur d’icelle auoit appauury ses bons subiects, et authorisé les factieux et mauvais.

Leur dira, que Sa Maiesté ne sera jamais mesconnoissante ny oublieuse des plaisirs qu’elles a reçeuz d’eux en la nécessité de ses affaires, aduouant deuoir à leur assistance une bonne partie de sa prospérité. Il leur représentera aussy, que Sadicte Maiesté l’a envoié devers eux, pour les asseurer de la continuation susdicte de son amitié, et pour sçavoir d’eux ce qu’elle peut faire, pour procurer et aduancer leur bien, lequel luy sera tousiours aussy cher et recommandé que le sien; adjoustant à cela, que Sa Maiesté luy a commandé de demeurer auprès d’eux, autant qu’il connoistra avec eux que sa présence leur pourra estre utile et propre, tant pour les considérations susdictes, que pour l’opinion que Sadicte Maiesté a qu’ils continueront à conduire leurs affaires avec telle équité et prudence, que leur amitié et bonne voisinance ne sera moins honnorable que utile à tous ceux qui la desireront conserver.

Ledict Sr. de Busanual pourra changer ceste proposition, ou la retrancher, ainsi qu’il jugera estre à propos, pour seruir à l’intention de Sadicte Maiesté; ayant néantmoins tousiours devant les yeux, de garder tel tempéremment, et procedder auec telle circonspection, en tout ce qu’il aura à dire, et faire avec lesdicts Srs., en public, que l’honneur du Roy et la bienséance soyent mesnagés, comme il conuient, pour le proffict de ladicte paix; afin de conseruer à Sa Maiesté la créance qu’elle a acquise pour en bien faire à ses amis et à elle-mesme.

Et faut estre soigneux de ce poinct, quand ce ne seroit que pour asseurer le crédit et l’authorité que Sa Maiesté s’est acquise par sa conduite, d’estre juge et arbritre desdicts différends que la Royne d’Angleterre a auec le Roy d’Espagne, comme elle en est recherchée et priée par l’une et l’autre partie; car c’est chose qui peut estre très utile à Sadicte Maiesté, et à ses amis; ainsy que ledict Sr. de Busanual le sçaura bien représenter par delà, avec les raisons pour lesquelles on doibt craindre que ladicte Royne prenne une autre adresse que celle de Sadicte Maiesté, pour traicter auec le Roy d’Espagne.

Ledict Sr. de Busanual fera aussi considérer audict Sr. Prince, et au Sr. Berneueldt, qu’il n’est pas moins nécessaire que Sa Maiesté mette peine à trouver moien d’entretenir, soubz son nom, et sans y mesler celles desdicts Estats, la praticque de leur réconciliation auec ledict Archiduc, quand ce ne seroit, que pour tousiours alentir la guerre, qu’il a commencée contre eux, et gaigner du temps à leur aduantage; faisant consommer, audict Archiduc, les deniers et forces, inutilement.

Joinct, qu’il faut considérer, qu’il sera très difficile, que Sadicte Maiesté conserue longuement ceste …… à laquelle il semble que ceste derniere paix l’oblige: partant, il faut auoir des Estats, et s’aduiser, et préparer d’heure, des moiens de justiiffier le soing que Sadicte Maieste veut auoir desdicts Estats; quand ce ne seroit que pour rendre ses actions en leur faveur, plus libres qu’elles ne peuvent estre à présent, à cause de ladicte Paix. Chose, que l’on peut conduire qvec telle discrettion et prudence, selon les ouuertures qui en ont esté faictes audict Sr .de Busanual, et celles qu’il pourra encores adviser par delà, avec ledict Prnce et de Berneueldt, qu’il n’en pourra mal advenir auxdits Srs. les Estats, ni à Sa Maiesté.

Pareillement, ledict Sieur de Busanual dira audict prince Maurice et Berneueldt, que Sa Maiesté a jà défendu le passage et transport des grains et vins de son Royaume au pays du Roy d’Espagne par la porte de Callais, et qu’estant sur les lieux où elle s’achemine bientost, elle verra si elle pourra faire encores mieux pour favoriser leurs affaires.

Sadicte Maiesté desire aussi sçauoir, comment ilz maintiendront leur trafficq avec les Espagnols; et à quelles conditions, afin de régler celuy de ses Subiects; contre lesquelz, allants de présent en Espaigne, Portugal, ou ailleurs, Sadicte Maiesté s’asseure qu’il ne sera rien entrepris par ceux desdits Estats,comme ledict Sr. de Bausual les asseurera, qu’il ne sera faict par les siens contre eux, soit qu’ils trafficquent en ce Royaume et mers de Sa Maiesté, ou audict pays dudict Roy d’Espaigne, ni autre part.

Mais, ils seront aduertis de n’amener ez ports et haures de Sa Maiesté, les prises qu’ilz feront sur lesdicts Espagnolz et leurs adhérants, d’autant; qu’estant réclamé par eux, Sa Majesté seroit contrainte de les faire arrester, et de leur en faire droict, comme elle y est obligée par le Traicté qu’elle a faict auec eux; mais aussy, Sadicte Maiesté les asseure qu’il leur sera faict raison de celles que lesdicts Espagnols, ou autres, feront sur leurs Subiectz, qui aborderont à ce Royaume, où Sadicte Maiesté veult que lesdicts Srs. les Estats et leurs dicts Subiectz jouissent de la mesme ….. et seuretté qu’ilz faisoient avant ladicte paix.

Ledict Sr. de Busanual a esté chargé de quelques médailles d’or de Sa Maiesté, lesquelles il despartira à ceux desdicts pays qu’il advisera estre à propos, pour marque et souuenance de sa bienueillance, dont il donnera aduis à Sa Maiesté: comme il sera soigneux de faire du progrès des affaires desdicts pays, et mesme des succès du voyage des vaisseaux qu’ilz ont enuoiés aux Indes, et toutes autres occurences qui le mériteront, en s’aydant aux choses d’importance du dernier chiffre qui luy a esté baillé.

D’après: Francis Henry Egerton, A compilation of various authentick evidences and historical authorities tending to illustrate the life and character of Thomas Egerton, … Lord High Chancellor of England, … : and the nature of the times, in which he was Lord Keeper, and Lork High Chancellor; also a sketch of the lives of John Egerton, Lord Bishop of Durham, and of Francis Egerton, third Duke of Bridgewater (Paris, 1812) 41-42.