Conseil à la ville d’être prudent dans les négociations avec Noircarmes
1er octobre 1566
D’après : Archives Générales du Royaume à Bruxelles, État et Audience, Correspondance de Hainaut, publié par Ch. Paillard, Mémoires de la Société Historique d’Agriculture, des Arts et des Sciences de Valenciennes VI, réédité par Solange Deyon et Alain Lottin, Les casseurs de l’été de 1566 : L’iconoclasme dans le Nord (Paris : Hachette, 1981) p. 229-230. Avec remerciements à M. Alain Lottin.
SALUT PAR JÉSUS-CHRIST
Messieurs et frères, bien vous soit.
J’ay entendu, partye par les lettres envoyées à Monseigneur d’Audrignies, partie par la relation du présent porteur, voz affères, et pour ce que sur ce fayct demandez l’advis de Monseigneur l’admiral [le comte de Hornes, gouverneur de Hainaut, red.] et le nostre, je vous veus bien advertir par la présente que son advis ne porte poinct que vous vous trouviez, en la fachon que requiert Monseigneur de Noircarmes, à la citadelle [de Cambray, red.], car il me l’a ainsy faict entendre. Touttesfois ne le déclarez comme venant de luy. Pour mon advis, entendu l’impossibilité alléguée par ledict Seigneur de Noircarmes et ensemble l’advis uniforme du Magistrat, il ne trouveroyt que bon que députiez quelquung du consistoire pour faire compagnie à cestuy ou ceulx que Messieurs de la ville députeront pour se trouver vers ledict Seigneur de Noircarmes affin d’entendre sa volunté plus amplement, soit par escript, sans donner aulcun pooir à cestuy que envoyerez de vostre part de pooir traicter ou accorder avec ledict Seigneur de Noircarmes, ains seulement pour en faire son rapport au consistoire, alléguant pour exemple les autres villes ausquelles se sont trouvés les Seigneurs, et que ce n’est chose de petite importance et laquelle mérite plus meure délibération que de bailler charge à quelques députez de pooir contracter pour toute une ville; et me semble que si Monseigneur de Noircarmes est affectionné au bien de la ville, comme il dit, il ne doibt faire difficulté de signer de moyen. Touttesfois, là où il ne le vouldroit faire, vous pourriez pour la seconde fois luy proposer certains articles, le plus que pourrez à vostre advantaige, ne vous conformans aux aultres villes en tout et pour tout, pour n’estre si fort asservies, comme elles sont, par forteresses et chasteaulx. Et combien que ledict Seigneur de Noircarmes demande accélération, ne vous hastez trop, car ceulx d’Ypres et de Gand s’en sont mal trouvez, et nonobstant la présence de Monseigneur d’Aigmont, ceulx de Bruges ont prins jour d’advis de respondre. Et à ces fins, se trouvent à Gand avec ministres de tous quartiers pour adviser d’un commun accord comme ilz auront à besoigner, d’aultant que lesdicts d’Ypres taschent de révoquer leur signature ou pour le moins avoir meilleure interprétation des articles par eulx soubsignés; et pour tant ne vous conseillerons vous haster, car, au retour Monsieur de La Grange, vous entendrez les particularitez et les résolutions du synode, avec lequel sera bon que vous vous conformiez. Parquoy ne vous hastez, ains seulement entendez la volenté dudict Seigneur de Noircarmes, et après, si besoing est, je me trouveray vers vous pour conférer ensemble et faire tout ce que trouverez expédient que face pour vous.
Quant au faict des temples, nous ne avons poinct de haste, car il semble à plusieurs que ne les debvons pa[ra]chever, espérans chose meilleure. Touttesfois, pour monstrer obéissance, insistez ad ce que le Magistrat vous désigne lieux propres afin que les mettiez par là au tort.
S’il y a chose d’importance dont deussiez estre advertyz, ne feray faulte.
De Tournay, en haste, ce 1er d’octobre 1566
Le tout vostre, Gilles Leclercq