18 novembre 1555
Ordres et instructions pour le conseil que le roy, notre sire, archiducq d’Austriche, ducq de Bourgoigne et de Brabant, comte de Flandre, Artois, Bourgoigne etc., a estably au Pays-Bas, près de la personne du ducq de Savoye, touchant les affaires et matières d’Estat et d’importance, concernantes le principal gouvernement civil, défense et bon estat des Pays de pardeçà, qui son soubs le gouvernement dudit seigneur, le ducq de Savoye:
1. Primes, Sa Majesté ordonne qu’audit conseil d’Estat entreront ledit seigneur ducq de Savoye, comme régent et comme gouverneur général représentant sa personne, et les chevaliers de l’Ordre de la Toison, et autres bons seigneurs, et personnages auxquels Sadite Majesté aura donné et dépesché lettres patentes de commission de conseiller ordinaire dudit conseil, et pour secrétaire Jean van der Aa, et pour assisant Josse de Courteville; entreront aussy les autres chevaliers de l’ordre, quand ils se trouveront en cour, et seront appelez par ledit seigneur ducq; entrera aussy l’audiencier, quand il sera appelé, ou quand il aura quelques dépesches à monstrer au conseil. Outre les dessus dits, il sera libre et demeurera à l’arbitrage et bon advis dudit seigneur ducq d’appeller et assembler audit conseil les officiers du conseil privé, ceux des finances, et autres, selon la qualité et cas des affaires, et selon qu’il jugera convenir estre nécessaire; se souvenant néantmoins de donner ordre que la multitude des gens ne cause aucun inconvénient ou confusion, qui attarde ou difficulte les affaires dudit conseil d’Estat, et le service de Sa Majesté ne soit bien fait.
2. Ce conseil s’assemblera près de la personne dudit seigneur ducq, toutes les fois et en tel lieu, qu’il sera nécessaire, et qu’il trouvera bon et voira estre convenable et à propos; et seront obligez ceux qui seront de ce conseil et ne se trouveront au lieu où il se tiendra, de s’y rendre quand ledit seigneur ducq les appellera, et d’y séjourner aussy longtemps qu’il jugera que, pour la bonne direction des affaires, il sera requis.
3. Dans ce conseil on traitera seulement les grandes et principales affaires et celles qui touchent à l’Estat et gouvernement, paix et défence desdits Pays de pardeçà, remettant et laissant les autre négoces et causes, tant de grâce que de justice et de police ordinaire, au conseil privé et aux autres provinciaux et aux juges et officiers, à qui il touche, sans s’entremettre en iceux en aucune façon; ne soit que ces affaires fussent de telle importance, telle sorte et qualité que ledit seigneur ducq jugeasse estre nécessaire et expédient que ledit conseil d’Estat en puisse connoistre, les traitasse et dépeschasse, ce qu’en ce cas il pourra faire.
4. Sadite Majesté entend, veut et ordonne, très expressément, que audit conseil d’Estat on y traite les affaires et matières, avecq tous respect et franchise envers iceluy seigneur ducq, ayant esgard en tout au service de Sa Majesté, et ceux qui se trouveront audit conseil, vivans les uns avecq les autres avecq un sincère et fidel amour et révérence, enchargeant premièrement audit seigneur ducq de tenir la main qu’il n’y ayt entre eux aucunes particularitez, affections, passions, contentions et propositions non concernantes aux matières et affaires.
5. Que ledit seigneur ducq proposera lesdites affaires et négoces ou bien le président du conseil privé, quand il le trouvera bon, et qu’il luy commandera, lesquelles lesdits seigneurs dudit conseil examineront et débatteront, selon et conformément à ce qu’ils jugeront convenir et estre plus expédient, desquels on recueillera les voix, commençant par les plux vieux conseillers ou bien par le dernier venu audit conseil, selon qu’il semblera bon audit seigneur ducq, pour une meilleure résolution des affaires et matières, selon qu’il semblera à propos et qu’il voira en pouveoir tirer une meilleure lumière et plus grande information de ce qui se traitera, et que chacun dise ses raisons avecq franchise et selon qu’il juge en sa conscience, soit qu’il s’accorde avecq les autres, soit qu’il ayt une opinion particulière.
6. La conclusion et résolution desdites matières et négoces dudit conseil se faira à la pluralité des voix et opinions, ne soit que, pour la différence des advis et autres causes et respect, ledit seigneur ducq trouve meilleure de se joindre à la moindre partie, comme la plus asseurée et la plus profitable, et ainsy convenir.
7. Le secrétaire d’Estat et son assistant auront un registre, auquel ils escriront toutes les opinions et conclusions desdites matières et affaires qui se traiteront et résolvront audit conseil, au moins de celles qui seront de quelque considération ou importance.
8. Mettant non seulement les raisons et opinions qui ont prévalu, mais encore celle qui a esté contraire, affin qu’à l’avenir on voye pourquoy, en ce temps là, on s’est porté à une telle résolution, et s’il se présentoit un cas semblable, on puisse mieux acerter et apprendre celles dont les raisons s’accomoderont le plus aux circonstances du temps.
9. Ledit secrétaire et son assistent auront soing de faire les dépesches selon les résolutions, avecq advis et [lees: du?] conseil, et selon la qualité et importance des affaires; ils signeront les minutes avecq les deux chefs du conseil privé ou des deux auxquels sera donné la commission; ce qui se faira en touttes les occasions qui se présenteront de faire ou escrire lettres missives, instructions ou autres escritures de considération; et elles seront visitées dans ledit conseil, si le temps permet de le pouvoir faire, affin que toutes les affaires soyent bien pesées et déterminées avecq maturité, et par advis et participation dudit conseil, qui se trouvera au lieu où sera ledit seigneur ducq.
10. Lorsque, les affaires estant conclues, on devra faire aucune responce, soit par le seigneur ducq, ou en sa présence, ou par autre en son nom et avecq son ordre, ceux dudit conseil la remettront audit seigneur ducq, ou à la personne qui aura ordre de cela, sans déclarer n’y particuliariser aucune chose à la partie, pour éviter que la chose ne se publie et autre inconvéniens.
11. Sa Majesté entend aussy que tout ce qui se proposera, dira, traictera et résolvra audit conseil soit tenu de tous indifférement soubs le secret, sans que s’en puisse parler hors du conseil, si ce n’est en présence dudit seigneur ducq, et non ailleurs, ne soit que ceux du conseil confèrent entre eux-mesmes, sans y avoir d’autres, tels qu’ils soyent, et tous ceux dudit conseil fairont serment de garder ce secret estroictement, et si aucuns d’eux sçachent que quelqu’un a failly au secret, il sera obligé d’en advertir ledit seigneur ducq et, en son absence, son lieutenant général.
12. Ne plus ny moins, Sadite Majesté veut que lorsqu’il arrivera qu’on traite, en ce conseil, aucune affaire concernant ou touchant directement ou indirectement aucun dudit conseil, ou ses parens, ou alliez, qu’il se retire hors du conseil, pour le temps qu’on traitera de cette affaire et qu’en nulle façon il se trouve en cette délibération et consulte, et que ce s’observe inviolablement, sans aucunes interprétations.
13. Lesdits du conseil d’Estat sont obligez, conformément au jurement qu’ils sont accoustumez de faire, de porter tout respect, honneur et obéyssance audit seigneur ducq, donnant leurs advis, édifiant leurs opinions secrètement, selon qu’en conscience ils jugent convenir, pour le plus grand bien du gouvernement, sans avoir autre mine qu’au service de Dieu, du roy et du bien commun, gardant le secret de tout ce qui sera dit, traité et délibéré audit conseil; et [se] employeront à l’effect et exécution de tout leur pouvoir, et ne monstreront aucun dégoust ou aliénation de tout ce que s’y aura traité; et ne recevront choses aucunes, comme sont pensions ou présens d’aucun prince estranger, sans permission de Sa Majesté et seront obligez de venir et paroistre audit conseil, quand ils y seront appellez, ne soit qu’ils fussent légitimement empeschez, dont ils déclareront le sujet audit seigneur ducq ou lieutenant gouverneur général.
14. Le dit secrétaire d’Estat ou son assistent auront soing de dépescher toutes provisions, dépesches et lettres, qui seront ordonnées au conseil privé et aux finances, pour les dépesches desquelles ils ne seront soubsmis de rendre aucun compte aux secrétaires des autres consaux.
15. Les ciffres demeureront ès mains du secrétaire d’Estat, lequel les gardera avecq un grand soing près de soy, ou de son assistent, comme aussy les déciffrées et les déciffrantes, selon l’importance et qualité des affaires, avecq cette caution que la personne, qui sera employée en cela, fera serment, et qu’elle soit léalle, discrète et fidèle, comme il est besoing.
16. De cette sorte se comportera et gouvernera le conseil d’Estat, si autrement, comme il semblera bon audit seigneur ducq, selon la grande confiance que sa ditte Majesté a de luy; et que ceux dudit conseil l’obéyront, conseilleront et assisteront loyallement et de bonne volonté et affection pour le service de sa ditte Majesté. Ainsy fait, ordonné et conclu par sa Majesté, à Bruxelles, le 18 e de novembre 1555.