juillet 1573
D’après: Louis-Prosper Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne II, 48-50, d’après Archives du Royaume: Lettres de et à Guillaume de Nassau, t. IV, et Collection de documents historiques.
Madame, nous trouvans plusieurs des principaulx seigneurs et gouverneurs de ces pays icy assemblez, pour l’effect que Vostre Altèze sait, avons souvent eu grandes devises et propos touchant l’estat des affaires de ces pays, lequel, tout bien considéré, nous le trouvons en tout autre terme qu’il ne convient pas pour le service de Sa Majesté et la conservation de ces pays, grandement certes à nostre regret, et seroit encoires pis, ne fust le grant soing que y avons tenu, soubz l’auctorité de Vostre Altèze, joint l’assistance de la noblesse qui nous y seconde de tout son povoir; considérans aussi que la masse des affaires ne peult longuement demourer entière, si n’y est donné ordre propre au mal.
Et, pour le vous faire entendre par le menu, est, Madame, que voions une grande désobéissance en nostre peuple, soubz prétext de certaines nouvelles et pernicieuses opinions de la foy et autres raisons longues à répéter: à quoy seroit besoing bon et prompt remède, veu que les ordinaires font peu de fruit.
D’autre part, nous nous trouvons fort pressez par les hommes d’armes et autres des compaignies ordinaires, demandans leur viel deu, lesquelz, à grant paine, avons jusques à oires entretenuz de vain espoir, ce que journellement nous reprochent, remémorans leurs grans et continuelz services, pour lesquelz la pluspart sons appovris, aians vendu et engaigé largement du leur; et ne se peult différer de leur donner quelque contentement, car ne veuillent plus estre menez de parolles, actendu qu’ilz sont journellement exécutez par justice pour leur debtes.
Samblablement, les gens de pied ordinaires, ausquelz est deu quatre ou cinq années, importunent fort d’avoir payement; et, voians qu’à ce mois d’octobre prochain, expire l’ayde accordée par les estatz pour leur soubztènement, et que jusques à présent l’on n’a rejoint lesdicts estatz, s’attendent ou d’estre cassez, ou mal payez, partant pressent de plus pour avoir leur vieu deu.
Entre lesquelz ne sont jà comprins ung monde de souldardz, tant à cheval que de pied, lesquelz ont esté cassez sans paiement.
Est aussi bien cogneue à Vostre Altèze l’extrémité des finances de par deà, qui cause grande diminution de l’auctorité du Roy et de Vostre Altèze, et que plusieurs bons et nécessaires exploictz s’en laissent à faire.
Dont procède la ruine de nos places frontières, lesquelles sont apparentes de bientost tumber en si grande ruine, que, par la quantité d’icelles, et la générale décadence, la bresche se fera si grande, qu’elle sera irrémédiable: dont Vostre Altèze cognoit ce qui en peult dépendre.
Pareillement, Vostre Altèze sait le peu d’espoir que Sa Majesté nous donne d’entretenir l’ordinaire de par deà de l’argent de ses aultres royalmes.
Aussi, Madame, nous craindons extrêmement ung jour, quant moings nous en doubterons, veoir arrester, ès pays estranges, noz marchans et subgectz des pays de par deà, pour les debtes que Sa Majesté doibt par lettres des recepveurs; et, oires que ce fust à tort, comme non obligez, si est-ce que tel arrest causeroit que nosdicts marchans et subgectz n’oseroient sortir le pays à leurs foires, marchandises et affaires, que seroit perte inestimable pour ces pays.
Toutes lesquelles choses sont de tel poix ét conséquence, que si, de brief, ordre n’y est donné, sinon du tout, ou moins en partie, sourdre [à lire: surgir, sortir] en pourroit grant desservice au Roy, à ces pays et à nous tous, pour lesquelz inconvéniens éviter, maintenir l’auctorité de Sa Majesté, et contenir le peuple en obéissance, avons entre nous, par plusieurs et diverses fois, rendu paine de trouver remède convenable. Mais certes, Madame, après longz discours, ne voions plus apparents moyens de sortir de ces calamitez, que par l’assistance et advis de estatz généraulx de ces pay, ne faisans doubte que, aians si bien secouruz leurs princes en toutes leurs nécessitez, que, en ceste plus grande que nulles autres, ne vouldront faillir d’office de bons et loyaulx subgectz et vassaulx; lesquelz serions d’advis qu’il pleust à Vostre Altèze faire convocquer et joindre: mais l’exprès commandement que Vostre Altèze nous a déclairé avoir de Sa Majesté au contraire, est cause que n’osons la presser sur ce faict davantaige.
Et, comme nous appercevons clairement, Madame, que ce commandement si exprès du Roy ne doibt procéder que de diffidence [à lire: défiance] interjectée entre Sa Majesté, ses estatz et membres d’iceulx, par sinistre information de personnes peu affectionnées à son service et au bien du pays, lesquelz toutesfois ne mettent nul moyen en avant pour redresser les affaires si perplexes, supplions humblement Vostre Altèze ne trouver mauvais que, tant que Sa Majesté sera servie de donner autre ordre et remède au gouvernement et affaires de par deà, nous nous abstenons d’entrer au conseil d’Estat, faisans cesser l’umbre dont avons servy en iceluy quatre ans; offrans néantmoins de faire tout debvoir pour le service de Sa Majesté, du vostre et de l’acquit de noz charges, en ce qu’il vous plaira nous commander. Et de ce que dessus sommes d’intention en advertir Sa Majesté.
Literature
Folkert Postma, Viglius van Aytta : de jaren met Granvelle, 1549-1564 (Zutphen, 2000) 249