Comme ainsi soit que puis nagueres on soit deuement informé, et que l’on sçait de vray que certains personnaiges pervers, cauteleux et malitieux, lesquelz pretexans faulsement le grand zèle qu’ilz ont à entretenement et augmentation de la religion et foy catholique et de l’union du peuple, mais taschans seullement, de ressaisir leur insatiable avarice et leur ambition et orgueil insupportable, ont par leurs parolles emmielliées, et faulx donner à entendre, si bien sceu persuader au Roy nostre Sire, non obstant quelque remonstrance au contraire que on luy ait faicte, que contre le serment qu’il a faict à Dieu et à ses fidelz subjectz du Païs-bas il ait à toutes forces volu introduire et imposer la pernicieuse inquisition, laquelle est non seullement desraisonnable et contraire à toutes loix tant divines que humaines, mais aussi surpassant toutes les rigeurs et cruaultez que jamais par cidevant ont practicqué les tirans, infidèles et payens, et laquelle aussi ne peult redonder que au grand deshonneur du nom de Dieu et à la perte, désolation et ruine totale desdicts Païs-bas, pour aultant qu’elle réduict toute auctorité et jurisdiction soubz la puissance des inquisiteurs rendant toutes personnes perpétuels et misérables esclaves, exposans tous gens de bien en continuelz et évidens dangiers de leur corps et biens par leurs recerches et visitations, de sorte que si ung prebstre, ung espaignol, ou bien quelque aultre mauvais garnement, veult mal ou nuyre à aultruy par le moyen de l’inquisition, il pourra accuser, faire (soit à tort ou à droict) appréhender, voires faire mourir (et les biens confisquer, cela s’entend toujours) le plus homme de bien du monde, sans qu’il puist estre ouy ny jamais escouté en ses causes, raisons et deffences, par quoy nous soubz signez ayans toutes choses bien pesées et meurement considerées, avons estimé et estimons estre nostre debvoir, et la raison, d’obvier ausdicts apparens et quasi intollérables inconvéniens, et par bons moyens pourveoir à la sauveté de noz biens et personnes, affin de n’estre exposez en proye à ceulx qui soubz prétext de religion ou Inquisition se vouldroyent enrichir aux despens de nsotre sang, vie, et biens. A raison de quoy avons advisé de faire et faict ung bon oeuvre, ferme et sainte alliance et confédération, nous obligeans et promectans l’ung à l’autre par serment solempnel, d’empescher de tout nostre povoir que la dicte inquisition ne soit maintenue, ou receue, en sorte que ce soit, publicque, ouverte ou cachée, ou soubs couleur ou couverture, que ce puisse estre, et fut ce soubz le nom ou umbre de l’inquisition, visitation, placcarts, mandemens ou aultre quelconque prétext, mais du tout l’abolir, en tant que en nous sera, et l’extirper et desrachiner, comme la source de tout désordre et injusticie. Faisons néantmoins protestation devant Dieu et les hommes en bonne foy et conscience, que nous n’entendons aucunement d’entreprendre aucune chose qui pourroit tourner au deshonnneur de Dieu, ny à la diminution de la grandeur du Roy, ou de ses Estatz, ains au contraire que nostre intencion, n’est sinon de maintenir le Roy et son Estat, de concerver tout bon ordre et police, résistans autant que en nous sera à toutes séditions, tumultes populaires et révoltemens, laquelle confédération et alliance nous avons promis et juré, et dès maintenant la promectons et jurons d’entretenir sainctement et inviolablement, et à tousjours tant que vivrons en ce monde. Prenons le Dieu tout puissant pour tesmoing sur noz ames et conscience, que de faict ny de parolles directement ou indirectement de nostre sceu ou volunté n’y contreviendrons en fachon que ce soit. Et pour icelle alliance ratiffier et rendre stable et ferme à jamais, nous promectons l’ung à l’autre toute assistence de corps et de biens, comme frères et fidelz compaignons, tenans la main l’ung à l’autre que nul d’entre nous confrères et confédérez ne soit recerché, tourmenté ou persécuté en fachon ou manière aucune, ny au corps, ny aux biens, pour aucun respect procédant de ladicte inquisition ou aucunement fondé sur les placcarts tendans à icelle, ou bien à cause de ceste nostre confédération. Et en cas que aucune moleste ou persécution advient à aucuns de nosdits frères et confédérez et alliez en fachon aucune que ce soit nous promectons et jurons à Dieu de luy assister, en tel cas, en tout et par tout, de corps et de biens, sans riens espargner, et sans subterfuge ou exception quelconque, et tout ainsi que sy ce fut pour noz personnes propres, entendans et spécifians bien expressément que ne servira de riens, pour nous exempter ou absouldre de nostre confédération et debvoir, là où lesdicts persécuteurs ou molestateurs vouldroient couvrir les persécutions de quelque aultre couleur ou prétexte, comme s’ils entendoient sinon punir la rebellion, ou autre semblable couverture, qu’elle puist estre, pourveu qu’il nous apparut, vray semblablement que l’occasion est procédé des causes susdites, d’autant que nous maintenons que en telz et semblables cas n’y peult estre prétendu aucun crime de rebellion, veu que la source procède d’ung sainct zèle et louable désir de maintenir la gloire de Dieu, la Majesté du Roy, et le repos publicque, avec l’asseurance de nos corps et biens, et à la défence de nostre famille, femmes et enfans, ausquelz Dieu et nature nous obligent. Entendons toutesfois et promectons l’ung à l’autre que ung chascun de nous en tous semblables exploicts se rapportera au commun advis de tous les frères et alliez, ou de quelques ungs, lesquels à ce seront commis et députez, afin que ceste sainte union soit tousjours entre nous bien entretenue, et ce que se fera par commun accord, tant plus ferme et vaillable. En tesmoignage et asseurance de nostre dicte confédération et alliance, nous invoquons le tressainct nom de Dieu vivant, créateur du ciel et de la terre, et de tout ce qui est en iceulx, comme juge et scrutateur de nos coeurs, consciences et pensées, et comme celluy qui cognoist que tel est nostre désir et résolution, le suppliant humblement que luy plaise de nous donner la grâce de son sainct Esprit afin que toutes nos actions et entreprinses puissent avoir bonne et heureuse yssue à l’honneur de son tressainct nom, et au repos et tranquillité publicque, et au salut de nos ames. Amen.
D’après: Mémoires de Jacques de Wesenbeke, avec une introduction et des notes par C. Rahlenbeck (Bruxelles : F. Heussner; La Haye : Martin Nijhoff) 1859, pp. 340-343