Deuxième Union de Bruxelles
12 Décembre 1577
Nous soubsignez prélatz, gens d’église, seigneurs, gentilzhommes, magistratz de loix, villes, chastellenies et aultres, faisants et représentans les Estatz des Pays Bas à present assamblez en ceste ville de Bruxelles, et aultres, estans soubz l’obeyssance du très hault, puissant et très illustre prince, Philippe, Roy d’espaigne, nostre prince et seigneur, sçavoir faisons à tous présens et advenir: Comme ainsy soit, que n’ayons jamais eu chose en plus grande recommandations que de remectre ces Pays Bas, après tant de misères et calamitez des guerres, en une bonne union et ferme repos et tranquillité, et que pour cest effect, après avoir conclu et accepté la paciffication faicte à Gand, ait aussy esté conceu et emologué certain acte de concorde, alliance et union, pour par le moyen d’icelle de plus en plus confirmer et corroborer la dicte paciffication et joindre les coeurs des habitans en une telle et si estroicte conjoinction et alliance, que, mettans fin à toutes diffidences, il n’y eut eu plus aucune doubte ou soupçon de nouvelle division, auquel acte (pour éviter toutes calumnies de noz adversaires et malveuillans, lesquelz nous tasschent d’accuser et dénigrer par tout le monde, comme si nostre dicte pasiffication ne tendoit sinon à ung desir de changement tant d’estat et de religion que de maistre) ait esté déclairé estre nostre intention de maintenir tant la Religion Catholicque Romaine que l’obéissance deue à Roy nostre seigneur, le tout selon et suyvant les termes de ladicte paciffication de Gand, laquelle de Sa Majesté mesmes depuis a esté approuvée et ratiffiée.
Il est toutesfois à nostre grand regret advenu que pluysieurs malaffectionnez à leur propre patrie et désirans se faire grandz aux despens et avecq la ruyne du pouvre peuple, en lieu d’interpréter nostre intention et déclaration susdictes de bonne part et de se joindre avecq noos, comme ilz s’estoient solemnellement obligez, pour respousser l’ennemy commun, ont tasché de couvrir leur mauvaise intention soubz prétexte des poinctz susdictz de ladicte Religion Catholicque Romaine et obéyssance deue au Roy, et dérivans sur nous leur propre crime et nous imposans à grand tort d’avoir esté les premiers violateurs de nostre promesse, affin de donner couleur à leurs iniques prétentions et convoitises, ne se sont sontentez de prendre les armes contre leur propre patrie, mais aussy ont tasché et taschent encoires journellement de débaucher les plus zéleux, ensemble les mieulx affectionnez à ladicte religion Catholicque Romaine, et quelques aultres des moingz advisez, se couvrans de manteau et prétexte des deux poinctz susdicts, en leur donnant à entendre, que les Estatz laissoient enfraindre lesdicts poinctz, en excédans les termes de ladicte pacification de Gand et de l’union ensuivie, affin que par ces faulses impressions, ilz les puissent tirer à leur party et mectre ces pays en nouvelle division et désunion, pour en avoir tant meilleur marché, et pouvoir tant plus facillement assouvir leurs inicques convoitises au pris de la ruyne generale.
D’aultrepart, comme est aussy advenu que pluysieurs, mesmes d’entre les mieulx affectionnez au bien et repos de la patrie, lesquelz toutesfois selon ladicte paciffication de Gand, ne povoient estre constrainct à ladicte religion Catholicque Romaine, voyans ces persuasions et inductions avoir lieu, tant envers les moings advisez, comme envers ceulx qui se monstrent estre bien aises de trouver couleur et ombre plausible pour couvrir leurs particuliers desfeingz, se sont mis en quelques deffiances et soupçons, comme si par la déclaration susdicte on eut tassché de les surprendre et envelopper en filetz d’obligation, contraire à l’accord de ladicte pacification de Gand, qui a esté cause que pluysieurs reculans de ladicte acte d’union et alliance, icelle n’a peu sortir les effectz ny produire les fruictz que nous avons désiré et esperé: voylà pourquoy voulans présentement donner clairement à cognoistre à tout le monde que nostre intention n’a jamais esté aultre, comme n’est encoires à présent, sinon d’en tout sincerité maintenir, observer et ratiffier ladicte paciffication de Gand en tous et quelconcques ses poinctz et selon les termes, en icelle contenuz, deffendre, garantir et maintenir ladicte religion Catholicque Romaine, ensamble l’obéissance et fidélité legittimement deue à nostre prince et seigneur, le Roy d’Espaigne, nous avons biens voulu pour plus grande asseurance, et affin d’oster toute diffidence, faire derechief la présente déclaration et donner à cognoistre à tous, que nostre intention n’a oncques esté et n’est encoires à présent d’enfraindre, violer ou imminuer en aulcun poinct ladicte pacification de Gand, comme elle n’est aussy de grever, l’interesser ou endommaiger au contraire d’icelle ceulx qui, s’estans retirez de ladicte religion Catholicque Romaine, se sont par ladicte pacification conjoinctz et uniz avecq nous, comme aussy iceulx asseurent n’avoir esté ny estre leur intention de violer, grever ou endommaiger ceulx de ladicte religion Catholicque Romaine ou par aulcun attentat empesscher ou destourbier l’exercice d’icelle, ains de nous comporter en amitié et union les ungs avecq les aultres selon les termes, contenuz en ladicte pacification, et tous ensamble unanimement et d’ung commun accord et affection employer tous noz moyens et facultez jusques à la vie propre, pour résister aux effortz des ennemis de nostre commune patrie et rompre les desseingsz de tous ceulx qui contre toute raison et équité prennent les armes pour opprimer et violer noz anchiens privilèges, droictz et libertez et nous réduyre dessoubz ung joug de servitude estrangiere, soubz quelque couleur ou prétexte que se puisse estre.
Pour cest effect nous jurons et promectons les ungs aulx autres, prennant le souverain Dieu pour tesmoing, de tenir la main, d’observer et faire observer ce que dict est, en toute fidélité et sincère loyauté sans frauldre ou malengin et de maintenir, garantir et défendre selon toute nostre possibilité les ungs les aultres en ceste juste et saincte querelle, promectans et jurans à cest effect, nous de ladicte religion Catholicque Romaine, que au regard de ceulx qui seront retirez de ladicte religion Catholicque Romaine et conjoinctz avecq nous par ladicte pacification, de quelle quallité, condition ou pays qu’ilz soient, ne permectrons ny souffrirons que l’on machine ou attente quelque chose contre iceulx, ny qu’ilz soyent injuriez, molestex ou irritez à l’occasion de leurdicte religion, ains les laisserons vivre paisiblement selon et suyvant ladicte paciffication de Gand, les prennant pour cest affect et si avant que ladicte pacification se peult extendre, en nostre sauvegarde et protection, sans fraude ou malengien ou sans aulcune cavillation ou sinistre subterfuge ou captiosité, comme aussy réciprocquement nous, retirez de ladicte religion Catholicque Romaine, promectons et jurons solemnellement, que n’attenteront riens contre ladicte religion Catholicque Romaine et l’exercice d’icelle, ny à cause de ce injurerons ou irriterons aulcun de faict ny de parolles ny par actes semblables les scandalizerons, mais tiendrons la main que personne n’empeschera ou fera empescher ny donnera aulcun destourbier, moleste ou fascherie à ceux de ladicte religion Catholicque Romaine, ny à l’exercice, services et cérémonies d’icelle, ains que tous et ung chacun de nous en général et en particulier serons tenuz de défendre et garantir tant les gens ecclésiastiques que laics en leurdicte religion Catholicque Romaine et l’exercice d’icelle et en leurs biens, dignitez, honneurs, privilèges et possessions, sans souffrir qu’aulcun tort, injure ou moleste leur soit faicte en façon que ce soit; et au reste, que en général nous maintiendrons selon toute nostre possibilité les anchiens privilèges, coustumes, droictz et usances de nostre commune patrie et des provinces et particuliers manans et habitans d’icelle. Et en particulier, ung chacun de nous, tant qu’en luy sera, restablira et restituera, maintiendra et fera maintenir et restituer tous et quelzconcques les privilèges, tant généraulx que particuliers, lesquelz on fera apparoistre en droict et justice leur compéter deuement, en quelque façon qu’ilz ayent esté ostez ou perduz, soit par force ou violence ou par quelque malheur ou accident de meschief. Et pour tant mieux et avecq plus d’efficace ratiffier et maintenir ce que dessus et à l’advenir éviter toute disunion et division, qui par faulte chief général pourrait survenir, nous promectons et jurons d’accepter provisionellement, et jusques à ce que par Sa Majesté et commun consentement des Estatz Généraulx aultrement en sera ordonné, monsieur l’Archiducq Matthias d’Austrice pour lieutenant gouverneur et capitaine général pour Sa Majesté en ces Pays Bas, et comme à tel luy obéirons selon et ensuyvant les conditions et articles, qui par lesdictz Estatz luy seront proposez, et que l’on conviendra et accordera par ensamble; lesquelz il ratiffiera par serment solemnel, comme pareillement il jurera et promectra de maintenir, ratiffier, avoir pour aggréable, ferme et stable ceste présente association et union, sans en aulcune façon le pouvoir enfraindre ou violer ny en tout ny aulcuns de ses poinctz et articles.
Ainsy conclud et arresté en l’assemblée des Estatz Généraulx à Bruxelles le dixième de Decembre 1577.