Paix d’Arras

VII

Durant lequel temps de la retraicte et yssue desdicts estrangiers, nous, avecque lesdictes provinces réconcilyées, dresserons à noz frais et despens ung corps de gens de guerre naturelz du pays et aultres à nous et ausdictes provinces agréables, bien entendu que lesdictes provinces nous assisteront par contribution, en conformité du XXme article suyvant, à l’effect de maintenir la religion catholicque romaine et l’obéissance à nous deue sur le pied de la pacification de Gand, unyon, édict perpetuel et ce présent traicté en tous leurs poinctz et articles.

VIII

Si commandons aux estatz et gouverneurs, tant généraulx que particuliers, consaulx et magistratz de Luxembourg et de Bourgoingne de maintenir et ne souffrir diminuer ou préjudicier, en chose que soit, l’édict perpétuel et ce présent traicté en tous leurs poinctz et articles, aussy de ne souffrir passer ny entrer aucuns gens de guerre au préjudice de ces pays, et de tout ce que dessus faire serment et donner acte pertinent et suffisant, come aussy les estatz feront réciproquement, de leur part, les debvoirs requis au meisme effect, affin que la trafficque et communication soit libre et franche entre lesdicts pays, comme elle a esté du passé et en toutte asseurance.

IX

Item, que tous prisonnier seront relaxez, d’une part et d’aultre, incontinent après la publication de ces présentes, si avant qu’ilz seront en leur puissance, sans payer aucune ranchon.

X

Au regard des biens saizys, arrestez et manyez de part et d’aultre depuis la pacification de Gand, tant en nosdicts Pays-Bas que en Bourgoingne et ailleurs, chascun rentrera prestement en tous ses biens immeubles; et quant aux meubles, chascun y rentrera aussy, si avant qu’ilz ne soient aliénez par auctorité et ordre de justice, ou par les magistratz à ce constrainctz par tumulte populaire: en quoy seront comprins les biens des prisonniers détenus par ceulx de Gand et leurs adhérens. Et quant aux rentes et charges sur lesdicts biens, l’on se règlera suyvant les XIIIIe, XVe et XVIe articles de la pacification de Gand, prenant pied au jour Sainct-Jehan-Baptiste XVc LXXIX.

XI

Sy avons maintenu et maintenons tous gouverneurs modernes des pays, villes, places et fortresses réconcilyées commis auparavant la retraicte de feu nostre très-chier et très-aymé bon frère le seigneur don Jehan à Namur, comme aussy seront maintenus ceulx quy auront esté pourveuz aux gouvernemens vacans par mort; et quant aux gouverneurs quy ont esté commis par provision, pour l’emprisonnement et détention d’aucuns seigneurs, iceulx commis ausdicts gouvernemens y seront continuez jusques au restablissement et rethour desdicts seigneurs prisonniers, bien entendu que, sy iceulx prisonniers venoient à mourir, il y sera pourveu en conformité de l’article XVIIIe: promectant par nous de n’en destituer aulcuns, pourveu qu’ils ayent tenu le party des estatz durant ces altérations, et maintenu la religion catholicque romaine sur le pied de la pacification de Gand, unyon depuis ensuyvie et édict perpétuel, et ne facent cy-après chose préjudiciable à ce présent traicté de réconciliation.

XII

Et pour plus grande asseurance, avons ordonné et ordonnons, en conformité de l’unziesme article de l’édict perpétuel, que lesdicts estatz des provinces réconcilyées, touttes personnes constituées en dignité, gouverneurs, magistratz, bourgeois et habitans des villes et bourgades où y aura garnison, et les gens de guerre joinctement, aussy ceulx des villes et bourgades où n’y a garnison, mesmement tous aultres ayans estatz, charges et offices de guerre ou aultrement, presteront serment de conserver la religion catholicque romaine et la deue obéissance à nous, suyvant ladicte pacification, unyon depuis ensuyvie, édict perpétuel et ce présent traicté, et de ne recevoir, chambger ou admettre respectivement garnison sans le sceu du gouverneur général et provincial et l’advis des estatz de chascune province ou leurs députez, bien entendu que, en cas de nécessité soubdaine et urgente, ledict gouverneur provincial pourvoyra aux fortresses où est accoutumé y avoir garnison de gens de guerre, néantmoins estans à nostre serment et service en chascune province.

XIII

Si promettons ne charger ny faire charger les villes ny plat pays desdictes provinces réconcilyées d’aucuns gens de guerre estrangiers ny de ceulx du pays, ne fût qu’ilz le désirassent pour quelque guerre ou péril, ou qu’il soit accoustumé y en estre de tout temps: auquel cas la garnison sera de gens de guerre naturelz du pays, agréables ausdicts estatz respectivement.

XIV

Voulons et ordonnons que, en touttes villes et bourgades où les magistratz ont estez renouvellez depuis le commenchement des troubles extraordinairement, seront redressez et establis selon les usances et previléges de chascun lieu observées du temps de feu, de très-haulte et glorieuse mémoire, l’empereur Charles, nostre seigneur et père; aussy que ordre soit donné que lesdicts magistratz soient respectez et obéys comme il convient, pour ne tomber en nouveaux inconvéniens.

XV

Sy promectons de nous tousjours servir, au gouvernement général de noz Pays-Bas, de prince ou princesse de nostre sang, ayant les pars et qualitez requises à charge sy principale et dont en toute raison noz subjectz se debveront contenter; lequel gouvernera en toutte justice et équité selon les droictz et coustumes du pays, faisant serment solempnel de maintenir la pacification de Gand, unyon depuis ensuyvie, édict perpétuel et ce présent traicté en tous leurs poinctz et articles, et notamment la religion catholicque romaine et nostre deue obéissance: préadvertissant lesdicts estatz, comme avons accoustumé, quelque temps auparavant, du choix qu’en aurions faict; entendant que nostredict nepveu, pour le souverain désir qu’avons de avant touttes choses procurer le repoz et asseurance de noz bons subjectz, se mecte en tous debvoirs d’avancher et exécuter la retraicte desdicts estrangiers et remises des places, pour aussy tost estre recongneu et receu audict gouvernement général de nosdicts Pays-Bas le terme de six mois, observant les solempnitez auccoustumées, et que, pour le meilleur contentement et confidence de nosdicts estatz et subjectz, se serve de domesticques naturelz du pays, et le moins qu’il pourra d’estrangiers; et affin de lesplus gratiffyer, désirons que le nombre d’iceulx serviteurs estrangiers donner aulcune entremise ou maniance des affaires du pays; ayant néantmoins garde tèle que ont accoustumé d’avoir les gouverneurs précédens, princes ou princesses de nostre sang, d’archiers naturelz dudict pays et de halbardiers aussy naturelz ou allemans, soubz chiefz pareillement naturelz, ayant les qualitez requises; avecque lequel nostredict nepveu lesdicts estatz doiz maintenant tiendront bonne correspondence,et l’advertiront de tout ce que se passera touchant l’exécution d’iceluy traicté et qu’en dépend: se faisans tous placcars, mandemens et provisions par et soubz nostre nom seullement. Au boult desquelz six mois, se n’avions pourveu audict gouvernement de luy ou d’aultre ayant les susdictes qualitez, icelluy, affin que désordre ou confusion n’adviengne, sera administré par le conseil d’Estat, attendant ladicte nouvelle provision.

XVI

Lequel conseil d’Estat sera par nous formé de douze personnaiges à nostre choix, tant des seigneurs et gentilzhommes que de longhes robbes, comme a esté accoustumé, naturelz du pays, dont les deux tiers seront agréables à nosdicts estatz et auront suyvy leur party depuis le commenchement jusques en fin: desquelz deux tiers les cincq auront de nous commission accoustumé, et les aultres trois simple provision pour le terme de trois mois, au boult desquelz les pourrons (sy tel est nostre plaisir) continuer, ou en choisir et commectre d’aultres qualifyez comme dessus, pour laisser ouverture aux provinces à réconcilyer.

XVII

Et avecque l’advis et résolution de la plus saine partye d’iceulx, quy seront tenus prester le mesme serment que devant est dict, se feront touttes despesches, comme du temps de nostredict feu très-honourré seigneur et père l’empereur Charles, quy seront paraphées au loing de l’ung d’iceulx conseilliers, pour obvyer aux inconvéniens apparceuz.

XVIII

Que à tous gouvernemens que d’ores en avant jusques à six ans prochains polront tomber vacans èsdites provinces réconcilyées, mesmement pour estre chiefz de gens de guerre, nous y pourvoirons de naturelz de nosdicts Pays-Bas ou estrangiers, l’un et l’aultre agréables aux estatz desdictes provinces respectivement, capables, ydoines et qualifiez selon les previléges d’icelles; et quant à noz consaulx privé, des finances et aultres offices d’importance, nous y pourvoirons pareillement de naturelz du pays ou bien d’aultres non naturelz agréables ausdicts estatz, lesquelz, avant leur réception, seront tenus jurer solempnellement ce présent appointement, et promectre par serment, au cas qu’ilz apperceussent se traicter quelque chose au préjudice d’icelluy, d’en faire advertence aux estatz des provinces, à paine d’estre tenus pour parjures et infâmes.

XIX

Avons pareillement rattiffyé et rattiffyons touttes constitutions de rentes, pensions et aultres obligations, asseurances et impositions que lesdicts estatz, par l’accord de chascune province, ont faict et passé, feront et passeront envers tous ceulx qui les ont assisté et furny, assisteront et furniront de deniers pour subvenir à leurs nécessitez et payement des debtes contractées à cause de la guerre et troubles passez, en conformité du XVIIIe article de nostre édict perpétuel.

XX

Et pour l’advenir ne seront aulcunement gabellez, taillez ne imposez aultrement ny par aultre forme et manière qu’ilz ont esté du temps et règne de nostredict feu seigneur et père Charles Ve, et par consentement des estatz de chascune province respectivement.

XXI

Que tous et quelzconcques previléges, uz et coustumes, tant en général que en particulier, seront maintenus; et si aucuns ont esté violez, seront réparez et restituez.

XXII

Seront lesdictes provinces réconcilyées tenues de renonchier à touttes ligues et confédérations qu’elles polroient avoir faictes depuis le commenchement des chambgemens et altérations advenues.

XXIII

Et pour aultant que lesdicts estatz se tiennent obligiez à nostre très-chière seur la sérénissime royne d’Engleterre et à monsieur le duc d’Anjou, frère du roi très-chrestien, pour la bonne assistence receue de leur part, nous envoyrons, deux mois après que nostredict nepveu le prince de Parme et Plaisance sera entré audict gouvernement général, personne de qualité verz iceulx, pour faire tous bons offices, et sera la confédération et ancienne amitié avecque nostredicte seur continuée réciprocquement.

XXIV

Et pour accroistre l’affection et bénévolence que les princes doibvent porter à leurs subjectz, et réciproquement affin que iceulx subjectz soient mieulx inclinez au respect et obéissance qu’ilz doibvent à leur prince naturel, lesdicts estatz nous ont très-humblement requis et suplyé de vouloir, à la première occasion et au plus tost, envoyer par dechà l’un de noz enfans apparant de nous succéder en nosdicts Pays-Bas, pour y estre noury et instruict, selon la façon d’iceulx, en toutte piété et vertu convenable: à quoy prenderons regard tel que trouverons convenir.

XXV

Accordons aussy que touttes provinces, chastellenies, villes ou personnes particulières de nosdicts Pays-Bas qui vouldront entrer en réconciliation avecque nous sur les mesmes pied et conditions de cedict traicté, seront par nous à ce receues et joyront du mesme bénéfice que lesdictes provinces réconcilyées, pourveu qu’ilz y viengnent voluntairement trois mois après la réelle sortye desdicts Espaignolz hors de nosdicts Pays-Bas.

XXVI

Avons consenty et accordé, consentons et accordons ausdicts estatz de pouvoir suplyer Sa Saincteté, nostre très-chier et très-amé bon frère, nepveu et cousin l’Empereur, les archevesques de Couloigne et de Trèves et le duc de Clèves, comme zélateurs du bien repoz de la républicque chrestienne, qu’il leur plaise tenir la main à ce que cedict traicté et appoinctement soit en tous ses poinctz effectué, accomply et inviolablement observé.

XXVII

Et sy en l’exécution et accomplissement de ceste pacification et quy en dépend, sourdoit aulcune difficulté et différent à vider après la publication d’icelle, nous et les estatz desdictes provinces réconcilyées députerons respectivement commissaires pour le tout entendre, appoincter et exécuter: bien entendu que, par les motz agréables aux estatz mis en plusieurs articles de ce traicté, ne seront excluz les naturelz du pays ayant suyvy l’un ou l’aultre party contractant.

XXVIII

Et adfin que tous et chascun les poinctz et articles cy-dessus escriptz, faictz, concluz et arrestez en nostredicte ville d’Arras le XVIIe de may dernier, esclairciz, purgez et résolus en nostredicte ville de Mons, le XIIe jour de septembre quinze cens soixante dix-noeuf, soient bien et réellement observez, accomplis et exécutez, et que tout le contenu èsdicts articles soit chose ferme, stable et à jamais permanente et inviolable, avons le présent traicté faict signer par nostredict très-chier et féal cousin le comte de Mansfelt et aultres noz députez cy-dessus nommez, d’une part, et les gouverneurs et députez desdictes provinces et aultres associez, d’aultre: promectant de rattifyer le tout par noz lettres patentes en forme deue et accoustumée en dedens trois mois du jour d’huy.

Donné en nostre ville de Mons, le douziesme jour dudict mois de septembre XVc LXXIX.

Signé: Pierre de Mansfelt, de Gomiecourt, de Noyelle-Rossignol, Jehan de Venduille, Ant. Houst, George de Westendorp, R. de Meuleu, Jan, abbé de Saint-Vaast d’Arras, J. de Goulart, Dongnyes, Lois de la Plancque, Le Pippre, A. Aubron, Phelippes de Lalaing, Jaques, abbé de Hasnon, Antoine, abbé de Vicoigne, Lancelot de Peissant, Nicolas de Landas, Franeau, Monissart, Jacques de la Croix, F. Gaultier, Corrault, Maxaemilian Vylain, A. Dongnyes, Floris vander Haer, Roland de Vicq, Miroul, Eustace d’Aoust, P. Broide.